Le port des Goudes.
A force d'y passer devant, on finirait presque par oublier à quel point cet endroit mérite qu'on s'y attarde. Les Marseillais l'associent souvent à une certaine forme de décrépitude, d'un lieu ou personne n'a envie de s'y rendre de par son parfum de désolation. Au point que les vieux Marseillais lui on trouvé une utilisation peu flatteuse... "eh va te jeter aux Goudes" !! Sorte de destination finale à l'autre bout de Marseille.
Pour lui redonner sa noblesse et entrevoir tout son potentiel, il faut s'y rendre au bon moment et trouver le bon point de vue. La lumière du bassin Marseillais a cette faculté à rendre beau.
Dans la semaine je suis contacté par mes amis pêcheurs. Le rendez vous est pris pour le Vendredi suivant. Mais je n'emporterai pas mon matériel de pêche, car il y a bien longtemps que la passion a déserté les méandres de mon cerveau. Certainement la conséquence de quelques bredouilles mémorables d'une part et le temps qu'il faut y consacrer d'autre part... Bref, je peux facilement me passer de pêche, pas de mes amis. Malgré le froid et le vent, je sais de toute façon que leur présence est gage de fou rire. A défaut de canne, c'est mon sac photo qui prendra place sur mes épaules. Le port des Goudes que je souhaite photographier, se trouve à quelques centaines de mètres de l'endroit ou mes acolytes ont choisi de passer la soirée. Une fois mes photos terminées, je n'aurais qu'à les rejoindre. Je peux largement les apercevoir de là où je me trouve.
J’installe mon matériel à la hâte. L'humidité est pour le moment totalement absente, il n’empêche que le métal de mon trépied me glace les mains. Quelques randonneurs terminent leur périple à la lueur de leurs frontales estampillés Décathlon. Leurs cheveux ébouriffés attestent que le mistral ne leur a guère laissé de répit. Le pas lourd et les traits tirés prouvent que la journée n'a pas été de tout repos. Ils retrouvent leurs voitures avec soulagement, un peu comme s'il s'agissait d'un oasis au beau milieu du désert. Même en plein hiver, les "touristes randonneurs" sont bien présents. Là, nous avons affaire à des randonneurs suréquipés, connaisseurs et respectueux du lieu. Heureusement pour la préservation des calanques, ils ne sont pas du tout à classer dans la même catégorie que les randonneurs estivaux. L'été, tout se complique. Il s'agit d'une file indienne, où les familles se suivent les unes derrière les autres, une bouteille d'eau dans le sac à dos et des baskets aux pieds. Il m'est même arrivé d'en croiser quelques uns en sandales. Ils ont pour la plupart une vision pittoresque et idyllique des calanques. En général ils déchantent dès le premier kilomètre. Le relief n'est rien de plus qu'une succession de montées et de descentes sur un sol recouvert de grosses pierres, rendues glissantes par des années de transhumance touristique. Ils repartiront de là la tête pleine de belles images, un coup de soleil extraordinaire et le téléphone chargé de photos pour la plupart surexposées.
Le Nikon est prêt, mes réglages aussi. Je n'ai plus qu'à attendre le meilleur moment pour déclencher. Comme bien souvent, l'ensemble de la scène ne pourra pas être capturée en une seule prise. Je suis dans l'obligation de faire un shoot pour la partie de droite et un autre pour la partie de gauche. Je cale ma mise au point sur l'infini et je verrouille mon objectif en position manuelle. De cette façon ma mise au point sera la même sur les deux photos. Il me faudra corriger légèrement mon exposition d'une photo à l'autre, pour que l'ensemble soit homogène. Pour capter suffisamment de lumière, je règle ma vitesse d'obturation sur une trentaine de secondes, et pour ne pas me retrouver avec un "flou de bougé" qui rendrait cette photo inexploitable, je choisis de déclencher avec une télécommande. Tout cela mis bout à bout et à raison de trente secondes par photo, il faut compter vingt minutes avant d'obtenir un shoot satisfaisant. Un coup la lumière n'est pas la bonne, un coup le temps de pose doit être rectifié. Le tout entre deux rafales de vent pour ne pas faire bouger le trépied. À ce stade il est absolument impossible de savoir avec exactitude ce que donnera la photo finale... Pour cela il faudra attendre d'être à la maison. C'est le post traitement et l'association des deux images en panoramique qui en décideront. Je sais simplement que le cadre est là, que le bleu nuit du ciel et les lumières jaunes orangées du port devraient faire un joli combo. À moi de faire en sorte de ne rien rater. De temps à autre les puissantes bourrasques portent jusqu’à mes oreilles les rires de Roland, de Pat et les moqueries de Ange . De là ou je suis je peux apercevoir les lumières de leurs frontales, elles passent d'un rocher à l'autre à un rythme effréné. Si je ne les connaissais pas, j'aurais presque pu penser que toute cette activité est signe d'une énorme série de touches et de prises fantastiques. La suite de la soirée me prouvera qu'une fois de plus il n'en sera rien.
Quant à la deuxième photo, elle a était prise il y a peu. En prenant plus de hauteur pour mieux se rendre compte de l'ensemble.
Ismagi photo
by Renaud Canadas.
Les goudes pas les foudres 😂 et en le retapant il me sort les gourdes 😂😂😂
Toujours sincère simple et beau dans le texte.monsieur Canadas ! Et Ça fait longtemps que je n avais pas entendu cette expression que j adore.. Rentrer bredouille, entendue tant de fois dans la bouche de mon père 😆 et magnifique dans l image c'est sublime les foudres à travers ton Nikon !! Une marseillaise qui te remercie et qui partage ! 👍